1917 : problèmes matériels. 

Les lettres de Fernand, fin 1916 et durant 1917, parlent souvent des problèmes matériels qu'il rencontre dans sa vie au front : non pas que Fernand se plaigne, ce n'est pas dans son caractère, mais il raconte sa vie, dans tous ses aspects. 

Juliette, en France, joue le rôle d'un agent. Elle lui poste du matériel, couleurs, toiles, et fait encadrer les peintures une fois finies.

Mais l'argent manque, car Juliette est enceinte de leur second enfant,  et ce seront bientôt trois personnes qui sont à sa charge. Fernand essaie au maximum de vendre des toiles, sur place mais aussi à 'étranger. Des expositions sont organisées en Angleterre, en Norvège et en Espagne... 

 

14 décembre 1916, au retour de permission

"(...) Il a bien fallu que je m'occupe de mon aménagement, il y avait des trous au plancher, des trous aux fenêtres, le vent se promenait chez moi comme chez lui et j'ai dû mettre tout cela au pas. Mon installation est faite et me rappelle par son aspect décousu les bazars algériens que je confectionnais si bien avenue du Maine, te souviens-tu ? J'ai un divan, ma chère, ayant fait sauter les bois de lit qui donnaient à mon atelier un aspect hôtel tout à fait déplaisant. J'ai aussi un poêle minuscule bien en proportion pour user les six cents grammes de charbon auxquels on a droit et qu'on ne touche jamais. Je vais avoir aussi à ma fenêtre à petits carreaux des rideaux rose gilet du meilleur effet. Je te ferai une aquarelle de tous ces trésors un jour de flemme. (...)

D. (?) est rentré et je tiens mon colis, il était temps ; dépourvu de couleurs, je ne vois pas bien ce que je serais devenu. J'ai fait connaissance de quelques artistes de la Monnaie, soldats comme moi, et je me paie le luxe d'avoir de la bonne musique au front. (...)"

 

18 décembre 1916

"Je prépare activement mon exposition pour Londres, j'envoie cinq toiles ou aquarelles. On m'a fait l'envoi du catalogue de l'exposition de Madrid au Palais R.?, palais royal. Les trois peintures : "Il baño", "Desnudo", "Murcia" sont exposées. J'espère que tu comprends cet espagnol-là. (...)"

 

sans date 

"(...) Tu vas faire venir mes grandes toiles de chez Robinot, tu vas les faire mettre coûte que coûte dans l'atelier. Quand ce sera fait, il est bien possible que je découvre l'AMATEUR. Oui, je vais te raconter cela : Peltzer sort de chez moi, il me dit qu'il passerait volontiers à mon atelier pour voir mes grandes toiles et notamment le "Pied blessé" à son prochain passage via Mailly. C'est pressé par exemple et il faut que tu te renseignes chez Ad.. qui te donnera l'adresse exacte de R.. L'ayant...tu lui écriras (à Robinot) de suite pour lui demander quand tu pourras faire enlever tout mon saint frusquin par Bidel (Bidel se chargera du transport, je pense). Le prix du "Pied blessé" est fait, c'est deux mille balles qui rentrent si tu peux organiser cela rapidement. Ne trouves-tu pas que cela en vaut la peine ? C'est de quoi aller jusque la paix sans trop se priver... et quel bon débarras... De la place pour une autre œuvre... Cependant... tant pis ! J'ai encore le fond, je crois, d'en faire et des meilleures avant d'aller paître les navets par la racine.

 

J'ai entamé une grrrande toile, mon joueur d'accordéon, ébauchée hier. Je me vois forcé de l'abandonner dès demain : on me demande de l'hôpital pour un rideau de théâtre, travail inintéressant au possible. (…)"

 

3 janvier 1917

(...) As-tu lu les journaux, mon enfant ? Non ? Eh bien, ceux- ci annoncent simplement que j'ai vendu au Gouvernement français un tableau intitulé "Corvée de café" et qui se trouve au salon de l'art belge au front. (...) Je te prie de répandre ce bruit le plus que tu pourras et D. se décidera peut-être à venir faire la bonne affaire en compagnie de R. qui doit toujours venir choisir un dessin. (...)"

 

pièce d'artillerie 

 

Janvier 1917

Voici le brouillon de la lettre que tu mettras à la poste pour le Ministre de l'Intérieur à Sainte-Adresse :

"Monsieur le Ministre,

Je prends la respectueuse liberté de vous demander un certificat de présence sous les armes de mon mari F. Allard, engagé volontaire à l'armée belge à la date du (t'en souviens-tu ? Je crois que c'était le 3 avril), ce certificat devant me permettre de réclamer l'indemnité allouée à toute femme de soldat.
Veuillez agréer...."

 

3 février 1917

"(...) J'ai fait aujourd'hui une excellente journée. J'ai trouvé un soldat qui me pose mes figures et mon tableau est presque terminé. Si notre exposition a lieu, je pense que j'y tiendrai ma place ... (orgueilleux va !) Eh non ! ce n'est ni orgueil ni rien de tout cela, car je ne travaille que pour ma satisfaction et si je me réjouis d'un succès, c'est souvent avec l'idée qu'il te fera plaisir et fera prospérer notre petite famille.
A propos, voudrais-tu me mettre dans une lettre une feuille volante qui se trouve parmi le dossier que Loumaye m'a rapporté : c'est le récit intitulé "une alerte" je crois et dont la scène se passe à Nieuport. Je te demanderais de t'appuyer la corvée de le recopier en cas de perte : je tiens à cette impression écrite impromptu immédiatement après l'incident dont j'ai échappé. D'autre part, mon ami Desmet, chef d'orchestre, me fait l'offre de transcrire mes musiquettes. Saurais-tu les recopier pour m'en faire l'envoi ? C'est une occasion à saisir par les cheveux, peut-être poussera-t-il la complaisance jusqu’à faire l'accompagnement. Voilà bien du travail autour de mon nombril, ma pauvre petite femme... Mais vois-tu, quand nous serons vieux, ridés et cassés, nous chevretterons peut-être avec délice le chant des "vingt ans". (...)"

 

7 février 1917

"Lu le mot de Dommartin. Je lui écris sur l'heure et te prie de lui faire porter, avec une notice et en marquant derrière chaque toile : pour Bordeaux - le nom - l'adresse à Paris - le sujet et le prix (la notice à part sera le double de tes inscriptions). Les toiles suivantes au Petit Palais pour M. Dommartin.

- Le grand nu debout, le dos appuyé sur une roche (Nu) : 650.-
- Ou, si c'est en bon état et signé, à mettre
dans le même cadre : Le bain du soir : 650.-
- Ferme en Normandie (pommier rouge) : 250.-
- Ferme en Normandie (pommier jaune) : 250.-

Je préférerais que ce fût le Bain du soir que tu envoies et si tu avais deux cadres propres dans cette dimension, tu enverrais quatre numéros au lieu de trois. Si le Bain n'était pas signé, fais-le à la plume en m'imitant et ce sera très bien."

 

16 février 1917

"(...) T'ai-je dit que je me suis livré au travail embêtant du recensement des peintures que j'exposerai ici ? Trente-cinq ! Trente-cinq cadres... vais-je récupérer mes frais ? Je me le demande. On sent que l'argent devient de plus en plus rare et, dame, je me figure que cette exposition ne marchera pas comme la précédente... je me déclarerais même fort satisfait si j'arrivais à faire le tiers d'affaires. La chose ne me préoccuperait qu'à demi si j'étais seul ou fortuné comme les camarades qui m'entourent et semblent, n'ayant pas mes besoins, se soucier de la galette comme d'une guigne. (...)"

 

Autoportrait 

 

Mars 1917 

"(...) Hier, j'ai été accosté par un major qui m'a félicité pour mon succès de Londres (?) Il paraîtrait que j'ai vendu une œuvre à une personne de la famille royale... à la reine ? à une duchesse ? Je ne sais ; c'était, dit-on, annoncé dans le journal l'"Indépendance" d'hier. Nous sommes trois à partager cet "honneur". (...)"

 

10 mars 1917

"C'est sur quatre pouces libres d'une table encombrée que je t'écris .. Nous sommes sur les dents : l'exposition s'ouvre dans cinq jours et tout est à faire. A tous bouts de champ, on vient me chercher, ce sont les invitations à écrire, l'affiche à faire, voir la salle et pendant ce temps-là, mes peintures, que je comptais revoir posément, restent là dans leur encadrement ignoble, en panne. Or comme, par camaraderie, je partage momentanément ma chambre-atelier avec un peintre de la section, rares sont les minutes d'isolement et de répit. En ce moment, c'est le nettoyage, il faut bien que je me mette dans un petit coin et c'est ainsi que j'arrive à t'écrire ce mot. Hélas, il se passera peut-être quelques jours avant que je puisse t'écrire à nouveau, ne m'en veuille pas et, dès que l'exposition sera ouverte, je t'écrirai longuement pour te donner mes impressions. Je garderai une affiche-épreuve de celle que j'ai faite hier, commençant à 3 heures sur pierre à l'envers et qui était tirée à
6 h... j'ai fait vinaigre, aussi n'est-ce que "pas mal", mais en fait pas fameux alors que notre annonce devrait être ce qu'il y a de meilleur. J'ai une bonne nouvelle à t'annoncer, mon amie, c'est la reine, mère du roi, la reine Alexandra d'Angleterre qui m'a acheté un tableau à l'exposition de Londres. Comme j'en ai vendu un autre, je ne suis pas fâché d'avoir exposé. Me voilà fournisseur des Cours... Qu'en dis-tu ? (...)"

 

Et plus loin

"(...). L'exposition que nous préparons s'annonce intéressante, les amis, comme moi, apportent un travail considérable et varié. Pour ma part, avec une inconscience rare j'esquinte tout mon apport avec des cadres hors mesure et d'un goût douteux : il est vrai que j'en avais trente-cinq à faire exécuter, que mes frais sont déjà énormes et que je n'ai nulle idée s'ils seront récupérés. L'atmosphère actuelle est pleine de promesses, on compte sur du nouveau incessamment, sera-ce pour aller vers une nouvelle déception ? (...)"

 

16 mars 1917

"(...) Il a fallu travailler d'arrache-pied pour mettre debout l'exposition et sa mise en train. J'ai la tête farcie d'histoires de cadres, affiches, clous, placement, jusque des une et deux heures du matin. Nous avons donné du coton et je me sens fort abattu. Mon ensemble n'est pas tel que je le souhaiterais, nombreux sont mes camarades dont le talent a plus d'assiette que le mien... et par le fait des dimensions extrêmement variées de mes œuvres, j'ai l'air d'avoir installé un bazar riche, un choix de mauvais goût. J'ai tout lieu de croire que mon four sera plus complet encore que je le croyais avant-hier. Comme c'est dur de se mettre tout nu sur la paroi d'un mur. Évidemment, mon grand tableau est très regardé, c'est une composition un peu là, qui me fera un riche plaisir le jour où elle partira à n'importe quel prix loin de ma vue. Ne me crois pas désolé, je suis au contraire très convaincu que demain je ferai un pur chef-d’œuvre qui me fera excuser mon gros tas d'immondices.
A titre de souvenir, j'ai mis de côté pour toi deux exemplaires de l'affiche que j'ai exécutée pour notre exposition. Ce travail a été fait en deux heures et demie : commencé à 3.3O h., tiré à 6 h. C'est un record, aussi n'est-ce pas très fameux. Houben est rentré de Londres, j'ai vendu (c'est certain) deux œuvres dont l'une à S.M. la Reine Alexandra, une autre à x ?"

20 mars 1917

"(...) S.M. le Roi est venu nous visiter. Comme précédemment sans doute aurons-nous aussi la visite de la Reine momentanément absente. La veine a voulu que le photographe amateur qui m'avait photographié précédemment avec la Reine m'a fait la surprise de me faire avec le Roi. Ce sont des souvenirs. Aujourd'hui, tout le monde sur le pont : la visite du grand chef, notre major. J'ai été assez chaleureusement félicité et j'ai profité immédiatement de cet avantage pour demander une bicyclette de l'armée, que je vais toucher suivant une promesse formelle et amicale. (...)"

 

25 mars 1917

"(...) . Mon grand tableau est évidemment une œuvre ratée, dans le genre de la "fête du grand-père" de mémorable souvenir et si je ne le vends pas, je me demande où je vais balader ce cauchemar. (...)"

 

2 avril 1917

"(...) J'ai vendu mon grand tableau. Oui, ma chère, le dernier jour un amateur s'est présenté. "Combien ?" "Quinze cents." "Dernier prix ?" "Je ferais une diminution de deux cents..." "Je prends." Voilà donc notre compte assez triste de ma précédente lettre augmenté de treize cents francs, plus une petite peinture de cent ou cent vingt-cinq, je ne sais pas encore. En conséquence, j'ai prié mon acheteur de bien vouloir t'envoyer dans la huitaine une somme de cinq cents francs, le reliquat te sera versé mensuellement par deux cents francs. Nous voilà respirant pour un petit temps.
Je vais te le dire tout... Je nourris encore l'espoir de deux petites ventes.(...)"

 

4 avril 1917 

"(...) L'exposition est terminée et ce matin encore j'ai vendu deux dessins pour deux cent cinquante francs à notre lieutenant Horlait. Comme précédemment, j'arrive à un total honorable et parmi les plus achetés, ce qui ne signifie pas parmi les meilleurs... Mais pour l'instant je vis sans trop de prétention, faisant de mon mieux sans croire faire bien dans le sens de l'art pur. J'ai donc quitté L.P. et suis à ma première étape dans une maison démolie, cambriolée de nombreuses fois et dont les rares meubles brisés bavent des papiers, des vieux chapeaux et des fils
de fer tordus. Il fait un froid de loup, une tempête de neige m'a glacé les os sur la route et j'ai récolté du bois qui brûle dans l'âtre sans me réchauffer. C'est le 2 avril ! Demain, si le temps le permet, je m'acheminerai avec mes sacs et mes "malles" vers l'endroit sensible où je me propose un séjour d'une huitaine.
Dans la petite ville où je gîte, plus une maison entière déjà ; j'y suis passé souvent et j'avais contre elle je ne sais quel mépris. Aujourd'hui, mon goût a changé et il se peut que j'y habite jusqu'à la fin du mois pour rayonner sur le front, les tranchées au moins sur un côté étant à proximité. (...)
Je te reparle encore de l'exposition... ce sera la dernière fois. Voici : en faisant le calcul approximatif des ventes, nous avons constaté que la somme totale approchait bien près de douze mille francs. Comme nous sommes quinze, je te laisse à juger que chacun de nous a son petit pécule. (…)"

 

( 1917 : Pâques tombe le 8 avril )

"(...) Demain (lundi) je pars pour quelques jours à "l'arrière". Aujourd'hui, jour de Pâques, j'ai travaillé comme un âne et le mieux est que j'ai fait quelques-unes de mes meilleures études.
Je suis dans une bonne période. C'est la renaissance du soleil qui veut cela sans doute. Levé à six heures, je me suis mis à faire une nettoyage en règle de notre "atelier". J'ai fait le feu et j'ai ciré mes bottes, ce qui n'était pas une mince besogne au retour des tranchées. A huit heures et demie, j'étais installé sur une place devant le parvis d'une église complètement démolie, à peindre des chevaux douloureux qui somnolaient là dans le tendre soleil du matin. Nous reverrons ensemble tous ces endroits après la guerre, ma petite femme. Je te montrerai des places où j'ai eu"de la veine", car chacun vivant ici peut dire avoir eu de la veine une ou plusieurs fois. (…)"

 

Date du 23 avril 1917 notée à la réception

"(...) Me voici redéménagé : réinstallé dans la petite ville que tu sais et dans la maison en démolition dont je t'ai déjà parlé. Les camarades et moi, nous nous sommes partagé les pièces et j'habite au premier dans une chambre choisie parmi les moins encombrées de plâtras et les mieux garnies en carreaux de vitre. Je suis venu ici en bécane et immédiatement je me suis mis à l'ouvrage pour le nettoyage et l'installation sommaire. D'un volet de grenier arraché, je me suis fait une table dont un des bouts repose sur l'appui de la fenêtre, l'autre sur un pieu de fil de fer barbelé. Deux caisses clouées à la muraille deviennent d'admirables armoires que j'ai recouvertes d'une toile à ramages découverte dans des décombres. Au mur, palettes, esquisses, panoplie d'armes et de vêtements. L'ensemble n'a pas mauvais coup d’œil et quoique ma paillasse de paille soit dure, j'ai passé une nuit réconfortante. (...)"

 

Lettre non datée (avril 1917)
"(...)Voici pour l'envoi à la salle Dutuit - Petit Palais :

- Le vieux poirier : à faire encadrer dignement, sous verre, quoi qu'il en coûte : 1000 frs
- Le nu couché (avec le tub, la dernière machine) : 1200 ;
- Le petit nu de dos plein air fait avec Yvonne et pendu, je crois, dans l'atelier : 300, grand cadre ;
La jeune mère et le grand paysage d'automne (pas le sous-bois, le chemin creux tripoté - celui que tu n'aimes pas) à encadrer également de bonne manière : 800.
Faire une note de cela que tu enverras 1, rue Lefevre – Revue belge Exposition, en faisant la nomenclature par ordre de prix.
Fais presser l'encadrement, le tout doit être accroché avant le ler avril chez Georges Petit - (Vinaigre !).
Si tu ne pouvais faire cet envoi, débrouille-toi pour m'en arranger un meilleur. Ne regarde pas au prix des cadres, il faut que je sois un peu là. Pour le don à faire, donne une de mes maisons à pommiers qui reviennent de Bordeaux. Indiquer au revers des tableaux : nom, adresse, titre et prix des œuvres, sauf sur le don où tu tairas le prix bien entendu."

 

 

Le cantonnement innondé

 

9 juin 1917

"(...) On m'avait parlé d'un portrait à faire, un enfant, chez des gens fortunés d'une commune célèbre par son importance et son éloignement du front. J'ai ahuri les braves gens par mon prix, cependant modeste (cinq cents). Ils s'attendaient à quelque chose comme 28,95 frs. avec le cadre, ou 23,95 frs. sans cadre. Ils vont me donner réponse... mais je la vois d'ici. D'autre part, un lieutenant m'avait écrit pour un dessin - 100.- frs prix convenu. Je pédale et reviens ici en nage pour être exact à son rendez- vous ; je fais, dans une chaleur torride, trente-quatre kilomètres, sans boire, sans boire, sans boire et point de "lieutenant". Mauvaise ! (...) La première vente que je fais...eh bien ! je la consacre à l'achat d'un manuel pour vivre dans l'économie, dût-il coûter la somme entière... et nous nous le donnerons en lecture à tour de rôle. (...)"

 

 30 juin 1917

"(...)  Pour compléter l'aperçu de ce que je pense, de ce que je fais, voici quelques nouvelles brèves.  Une petite commande, portrait d'enfant prix fait deux cents !  Où sont mes portraits à deux mille !"  

 

"(...)  J'ai commencé le portrait de petite fille qui m'était commandé, c'est déjà assez avancé et dans ma bonne manière.  Ce dont je suis assez surpris, car j'avais une répulsion marquée pour mon fade modèle - petite enfant sans caractère, blondasse et pâlotte.  En l'examinant davantage, j'ai découvert de quoi peindre avec assez de plaisir.  Quelle différence entre les gosses d'ici et notre cher gros patapouf.  Décidément, tu avais raison quand tu disais que les enfants de la campagne n'étaient pas toujours plus beaux que ceux des villes.  (...)"

 

22 aout 1917

(...) Je pensais revenir (en permission) avec toute ma production, le lieutenant m'engage à ne pas le faire... pourquoi ? Mystère. Notre ami, qui était allé en Suisse pour organiser l'exposition, est revenu pour chercher d'autres toiles. Il me dit que mon envoi a du succès avant la lettre et qu'il y a déjà quatre de mes œuvres qui peuvent être considérée comme vendues. Si c'est vrai, il y a du bon et notre étoile prend une fixité (je touche du bois) qui me fait présager de l'avenir avec un œil moins noir. (...)