1883 – 1905

 

Le 12 juillet 1883 nait à Tournai Florent-Joseph-Fernand Allard.

Ses parents Charles Allard et Mathilde Lagage, très jeunes, sont tous deux originaires de la région, de familles aisées et cultivées. et il  a la chance d'évoluer dès son plus jeune âge dans un environnement familial particulièrement riche

Du côté de son père, on trouve la fratrie Vasseur, cinq frères doués, dont les deux premiers sont arrivés à Tournai une quarantaine d'années plus tôt : Charles et Adolphe Vasseur, nés respectivement en 1826 et 1828, sont originaires de Hesdin, dans le Pas-de-Calais, où leurs oncles sont lithographes, et passent la frontière pour prendre des cours à l'académie de dessin de la ville, dans laquelle il s'installent.

Charles Vasseur fut élève d'Antoine Payen. C'était un excellent dessinateur et aquarelliste qui fut lauréat du concours d'après nature en 1850. À sa mort, il légua à la ville de Tournai aquarelles, fusains, et dessins qui furent malheureusement détruits pendant les bombardements de 1940. De ses œuvres reste malgré tout un très beau Tilleul du Crampon qui fut retrouvé dans les caves du musée des Beaux-Arts.
 

 

Son frère Adolphe, lui, fut élève de Joseph Stallaert. On retrouve nombre de ses illustrations dans les livres d'histoire régionale de l'époque.

En 1845, à à peine vingt ans, les deux frères ouvrent une petite imprimerie. Quatre ans plus tard ils rachètent l'atelier lithographique Simonot. L'entreprise Vasseur-frères est née. Dès 1852 ils vont travailler avec Henri Casterman qui devient un ami personnel de Charles Vasseur. Celui-ci dessine les illustrations et les couvertures de livres. l'atelier édite affiches promotionnelles, agendas, almanachs et cartes postales. L'entreprise prospère et Charles et Adolphe font venir leurs autres frères d'Hesdin. Auguste (né en 1836) mais aussi Victor et Joseph.  

Auguste, outre ses fonctions dans l'entreprise familiale, ouvre une librairie-maison d'édition sur la Grand-Place de Tournai. Avec sa femme, Mathilde Delmée, fille du grand chansonnier Adolphe Delmée, il édite nombre de livres sur Tournai et sa région ainsi qu'un Almanach Etrennes Tournaisiennes. Il édite en 1888 un recueil intitulé Les Journaux publiés à Tournai de 1786 à 1888 – reproductions photographiques. Ce sont les débuts de la photographie en lithographie. Ce touche-à-tout édite également la Revue tournaisienne. Il s'intéresse aussi au théâtre, participe à la vie locale, est membre du Comité des crèches et de la Commission des Musées.

Ses frères et lui sont des membres fondateurs du Cercle Artistique de Tournai.

 

Auguste Vasseur par René Desclée

 

En 1859, Octavie Vasseur, soeur des cinq frères, épouse à Tournai Jospeh Allard. qui possédait un magasin de tabac sur la grand-place de Tournai, et en 1860 naît leur premier enfant Charles, le père de Fernand. Joseph et Octavie eurent au moins un autre enfant, une fille, prénommée Jeanne.

Charles, qui a hérité des dons familiaux, prend des cours à l'académie de Tournai avec Léonce Legendre, et dès 1884, à 24 ans, devient professeur dans cette même académie. Parallèlement à cette fonction il travaille dans l'atelier de ses oncles.

C'est un excellent aquarelliste, dont plusieurs œuvres sont encore visibles au musée des Beaux-Arts de Tournai.

 


"Vue de Tournai" par Charles Allard (1890–1921), signée au centre en bas, dessin, vers 1900. (Photographie Kik-IRPA de Bruxelles)
 
Une aquarelle de Charles Allard, sans lieu ni date. 



 
Charles Allard par René Desclée, aérophotographe tournaisien

Avec un père aquarelliste et cinq oncles tous peintres, dessinateurs, lithographes et imprimeurs il est peu étonnant que Fernand ait manifesté assez tôt des prédispositions pour le dessin et la peinture.


Mais c'est du côté de sa mère qu'il faut chercher ses dons d'écriture.

En 1882 Charles Allard a épousé à Kain, qui à l'époque était un petit village proche de Tournai, Mathilde Lagage, fille de Norbert Lagage receveur éclusier, et de Florentine L'Olivier. La sœur de Florentine est Pauline Braquaval, qui est directrice d'un pensionnat de jeunes filles, et très connue à l'époque pour les livres pour la jeunesse qu'elle a écrits sous son nom de jeune fille Pauline L'Olivier, et qui ont dès 1857 été édités par Henri Casterman, et pour certains illustrés par Charles Vasseur. Jeanne, la soeur de Charles Allard, épouse en 1883 Charles Lagage, le frère de Mathilde, les liens entre les deux familles Lagage et Allard sont encore renforcés. 

Pauline L'Olivier, sa grand-tante, même si elle mourut alors qu'il avait 4 ans, dut marquer de façon durable le petit Florent, puisqu'il décida de prendre Fernand Allard L'Olivier comme nom d'artiste.
Charles et Mathilde Allard eurent deux autres enfants. Robert et James. La famille, installée au 49 rue du Château à Tournai prospéra.

Charles Allard s'associa aux frères Vasseurs en 1905, l'atelier prit comme nom Allard-Vasseur. 
Le père de Fernand mourut assez jeune, l'année de ses 60 ans, en 1920, d'une crise cardiaque dans un restaurant de Bruxelles. 

Mathilde Lagage continua après la mort de son mari à vivre dans la grande maison bourgeoise de Tournai, où elle accumula les peintures et dessins de son mari et de son fils.  Elle mourut en 1950, bien après Fernand. 

De l'enfance de Fernand à Tournai, il nous reste quelques photos : 
 
 
 
 
 
 
 
Une main a rajouté à la plume des flèches et les noms de Fernand (en bas, à l’extrême droite) et de son frère Robert.


Fernand (l'aîné) et ses frères vers 1898

 
Fernand est un élève moyen et il ne poursuit pas très longtemps des études classiques. Il est envoyé très jeune à Bruxelles dans un atelier de graveur pour faire son apprentissage. Il ne reste aucune information sur la raison qui a justifié cette séparation de sa famille : est-ce lui qui l'a voulu ? Est-ce la famille qui décide ? Pourquoi n'a-t-il pas travaillé dans l'entreprise familiale directement ? Les seuls renseignements sur cette époque on les trouve dans la correspondance : 
Dans une de ses lettres du Congo, il mentionne qu'il fut apprenti lithographe en 1897 (à 14 ans donc !) dans un atelier de Molenbeek, chez Van Campenhout. Une autre lettre, de condoléances celle-ci, envoyée par un camarade dont la signature est illisible, mentionne qu'ils ont à cette époque, suivi ensemble des cours du soir à l'académie de Bruxelles, chez le professeur Verdeyn (N.B. il s'agit sûrement d'Eugène Verdeyen)  
 
Mais le jeune Fernand a d'autres ambitions.

À 18 ans, en 1901, il obtient l'accord de sa famille et il débarque à Paris. où il va commencer par prendre des cours. 
 
Il s'inscrit à l'académie Julian et le premier atelier qu'il fréquente est celui de William Bouguereau. Celui-ci est un peintre académique, très reconnu à l'époque. De lui nous restent des toiles sur la mythologie grecque, et de nombreuses scènes idylliques, champêtres et bucoliques.
Bouguereau a été fort décrié après sa mort. Lorsque le courant moderniste devint en France le courant officiel, il fut entre autres reproché au peintre sa participation aux jurys des salons de peinture officiels du XIXe siècle qui étaient majoritairement opposés à l'admission des œuvres relevant des mouvements modernes de la peinture (Cézanne surnommait le Salon « Salon de Bouguereau » ). Il fut redécouvert à la fin du XXe siècle par Dali, qui l'opposant à la peinture de Picasso, lui manifeste de l'admiration .
 
 
"Dante et Virgile en enfer", de William Bouguereau (1825–1905), huile sur toile de 1850, 2250 x 2810, signée en bas à droite, conservée au musée d'Orsay à Paris. 
 
 
Fernand suit également les cours de Gabriel Ferrier à l'Académie des Beaux-Arts. Ferrier est alors un portraitiste renommé et on peut penser que c'est auprès de lui que le jeune peintre apprit les techniques qui lui permirent de vivre de ses portraits pendant les dix premières années de sa carrière. 
Mais c'est auprès de Jean-Paul Laurens, à l'académie Julian, que Fernand rencontra son premier Maître. 
Laurens était également un peintre académique, mais plus original que Bouguereau. Tout d'abord par ses prises de position politiques : c'était un anticlérical convaincu, et beaucoup de ses toiles traitent de sujets historiques, abordés avec un réalisme qui préfigure les péplums du cinéma.
 
 
"Le pape Formose et Etienne VI" de Jean-Paul Laurens, (1838-1921), huile sur toile de 1870, 100 x 150, signée en bas à droite, conservée au musée des Beaux-Arts de Nantes.  
 
Un autre peintre de l'époque eut sur Fernand une influence importante : Jules Adler ; plus jeune que les précédents, lui-même élève de Bouguereau, il était surnommé "le Prince des Pauvres". Avec lui, ALO apprend à peindre les pauvres et les miséreux, il découvre la vie des rues, les faubourgs grouillant de monde.
Adler resta longtemps son maître et son ami, et jusqu'à la guerre de 1914, son avis fut très important pour Fernand. 

 
"La Grève–Le Creusot" de Jules Adler (1865-1952), huile sur toile de 1899, 231 x 302, signée en bas à gauche, conservée au musée des Beaux-Arts de Pau. 

Voici une photo de Fernand en 1904, prise dans son atelier. Il est habillé en jeune artiste de l'époque, pantalon en velours et chemise ouverte. Il porte une barbe qui n'arrive pas vraiment à le vieillir : il a 21 ans. 
Au mur, derrière lui, une de ses premières œuvres, "Paris sous la neige". 
 
 
 
 
 
 
 
 
C'est à cette époque qu'il rencontre aussi à Paris celle qui sera sa femme : Juliette Rossignol, dont le père, Jules Rossignol, tient un commerce de livres sur les quais de Seine. 
Jules Rossignol est marié à Jeanne Mayer, fille d'un rabbin de Lyon. 
Juliette est née en 1887, elle est donc de 4 ans plus jeune que Fernand. 

Voilà nos tourtereaux en 1905, Fernand a donc 23 ans, Juliette 18. Je ne sais rien de leur vie à ce moment-là. Juliette vivait-elle avec lui ou encore chez ses parents ? Je ne sais pas. 
Ils ne se sont mariés qu'en 1912. 
 
Merci à Anne-Flore Biltresse pour tous les renseignements qu'elle m'a donnés sur la famille Lagage et la famille L'Olivier. La plupart des renseignements sur les Vasseur proviennent de deux livres : Biographies tournaisiennes des XIXe et XXe siècle, de Gaston Lefebvre et le Tournai artistique Artistes et courants stylistiques de 1800 à 1940, des éditions Wapica, article sur la lithographie.