1930

Lettre écrite par Fernand à Léon Guébels le 13 juillet 1930

Les Troënes, Stockel, Tel 367 95

Mon cher ami, 

Vous devez être surpris d'être sans nouvelle de moi. Je ne le suis pas moins que vous. Journellement je me propose de vous écrire et le temps passe en remises journalières. Je croyais qu'une fois l'exposition d'Anvers ouverte je mènerai une vie de prélat, regardant les roses éclore et les abeilles qui les butinent dans un paresseux rayon de soleil. Comme après la guerre où tout ne devait être que quiétude et miel. Je déchante et mon travail quotidien me tient plus âprement que jamais. Des gens naissent pour être de magnifiques flâneurs, d'autres pour devenir de sordides gens de labeur? Je suis de ces derniers et ne m'en glorifie pas, croyez-le. 

Hors donc, les jours passent dans des travaux maladroits recommencés aux pinceaux et quand le soir vient, adieu tout le monde, parents, amis, réjouissances, il me faut être étendu, et dormir profondément. Quand prendrai-je le temps d'écrire ? Déjà il entre dans mes attributions de tenir note des lettres reçues, des expositions qui s'ouvrent, des naissances à congratuler, des deuils à condoléancer et en plus à suivre cette peste bourse qui diminue tous les jours le fruit des efforts passés. 

Parlons de vous. Vous avez à Anvers une participation assez grande au stand de la littérature : L'Anneau de N'Goya tient trois bons mètres par ses illustrations vous en a-t-on parlé ? Les monotypes exposés là sont bons (!) j'en parle après les avoir revus et aussi d'après ce qu'on m'en a dit. Vous pourriez le cas échéant et avec six ou sept petits bois pour cul de lampe (https://fr.wikipedia.org/wiki/Cul-de-lampe_(typographie)) et tête de chapitres que je vous ferais les employer  tels quels pour une édition. Madame Guébels pourrait peut-être s'occuper de cela et ce serait mieux que d'attendre la fin de l'édition de luxe "Jadot", car cela n'avance pas vite malgré que je m'en occupe beaucoup, sans doute les "Manguiers" ne sortiront-ils pas avant fin du printemps prochain, à cette époque je serai probablement au Congo. Il est question que j'aille à E'ville, via Kin, pour l'exposition. Si cela vous paraissait possible, je ferais peut-être une exposition privée à Léopoldville avec des oeuvres européennes, si je la fais à l'aller, avec des oeuvres congolaises si c'est au retour que vous me conseillez cette affaire. Vous savez peut-être le succès de mes décorations à Anvers. je me découvre des amis fervents qui parlent avec une ferveur de cette manifestation qui ne laisse pas d'être inquiétante pour l'avenir. (Comme les  (?) toujours anxieux !)

Tout le monde se porte bien ici. Vous avez les amitiés de ma femme, des enfants et tous nos vœux pour votre santé. Je vous serre solidement la main. 
Allard L'Olivier